Retour sur les phénomènes de résistance des rats aux anticoagulants


Le professeur Etienne Benoit, de l’INRA de Lyon, a de nouveau tenu une conférence sur la résistance des rongeurs aux anticoagulants, lors du dernier salon PARASITEC 2012.

Il en ressort que le phénomène est bien plus étendu qu’il n’y paraissait il y a quelques années,
puisque des foyers de résistance sont identifiés partout en Europe. Il s’agit essentiellement de sites agricoles, où les rats trouvent quantité de sources de nourriture saine, et ne consomment donc qu’occasionnellement des doses non létales de poison, qui agissent finalement comme un vaccin.

Rappelons qu’il s’agit d’une mutation du gène VKORC1, qui, lorsqu’elle est homozygote (mutation des gènes issus du père et de la mère), est transmise à cours sûr à la descendance.

Rappelons aussi que les premiers cas de résistance au coumafène (un des premiers anticoagulants) ont été identifiés en Écosse dans les années 50.

Des test démontrent qu’il faut jusqu’à 10 à 17 fois la dose initiale d’anticoagulant pour provoquer la mort des rats résistants. L’utilisation des anticoagulants de dernière génération, capables de tuer en une à deux ingestions (et pour lesquels on n’enregistre pas de résistance), étant interdite en extérieur, le problème est inquiétant.

Quoique, quoique… Les rats résistants :

  • Sont rachitiques et pèsent seulement 200 g, au lieu de 300 à 500g pour les rats non
    résistants ;
  • Ont d’énormes besoin en vitamine K (l’antidote des anticoagulants), ce qui leur pose des problèmes d’alimentation ;
  • Vivent moins longtemps ;
  • Ont des problèmes de reproduction (moindre fécondité).

La nature fait bien les choses, tout de même. Nous sommes bien loin « des super rats mutants » évoqués dernièrement par des journalistes irresponsables. Cela nous fait penser à ces phénomènes d’auto-régulation des niveaux d’infestation murine, lors des épidémies de peste, par exemple.

Ces faits déterminent trois axes de lutte possible.

  • Le premier est de multiplier autant que faire se peut les traitements classiques en augmentant l’appétence des appâts empoisonnés, pour limiter la consommation de nourriture saine. Ce qui revient à optimiser les stratégies de lutte en y passant beaucoup plus de temps qu’auparavant… C’est une technique difficilement compatible avec les habitudes professionnelles, et qui fera l’objet d’un
    prochain article sur ce blog.
  • Le second consiste à utiliser des anticoagulants de dernière génération, ou des
    poisons aigus, en toute sécurité, en renouant avec les « centres d’attraction » des années 30 et 40 . Il s’agit d’enceintes fermées accessibles aux seuls rats, où l’on peut pratiquer l’appâtage préalable avec des appâts sains. Là encore, davantage de travail…
  • Le troisième axe est de tout simplement cesser les campagnes de dératisation pendant quelques mois, pour que les gènes de résistance s’affaiblissent. Cette stratégie, préconisée par le professeur Benoit, est d’une logique imparable : les traitements actuels ne servant à rien ou pas grand chose, autant les arrêter !

En résumé, il convient de se donner les moyens de ses ambitions. La lutte contre les rats résistants aux anticoagulants est possible, s’il y a rupture avec les mauvaises habitudes
« professionnelles » qui les ont générés.

 Pierre Falgayrac

http://www.hyform.fr

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