Il s’agit de l’étude « Epidemiology of a bubonic plague outbreak in Glasgow, Scotland in 1900 », de Katharine R. Dean, Fabienne Krauer and Boris V. Schmid. En ligne ici : https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsos.181695, présentée comme une modélisation de la contamination interhumaine lors d’une épidémie de peste, à partir des données d’une documentation d’époque.
Commençons par l’information indiquée à la fin de l’étude pour en comprendre les ressorts : les auteurs ont reçu un financement de l’Europe. Ou comment gagner trois sous en lançant une étude sur un vieux sujet qui n’intéresse plus personne et surtout, n’a aucun intérêt pratique.
Elle est basée sur l’hypothèse que l’épidémie de peste de Glasgow du 3 août 1900 est davantage le fait de contaminations entre humains que de piqures de puces pesteuses. D’où un intérêt pour « modéliser les flambées de peste ». Et d’étudier les 35 cas documentés par les autorités de l’époque.
Les malgaches qui sont confrontés encore aujourd’hui à la réalité de la peste apprécieront sans doute que des matheux futés (il faut l’être pour obtenir un financement européen) se penchent sur la modélisation d’une contamination de la peste par les hommes plutôt que par les rats…
Inutile d’exposer les savant calculs de probabilités de l’étude, selon la méthode Hens & al, puisque leur pertinence est invalidée par quelques données issues de la documentation écossaise (exceptionnelle selon nos chercheurs), citées dans l’étude.
La première info, qui constitue le socle de l’étude, est qu’il n’y a aucune preuve d’une épizootie de rats, d’où la spéculation sur une contamination interhumaine.
Expliquons donc le mécanisme classique de la peste : le rat noir (Rattus rattus) hôte des puces pesteuses meurt de la peste ; les puces se cherchent alors un autre hôte : l’homme, puisque les rats sont morts. Or, la mort de nombreux rats avant le déclenchement de l’épidémie est ce que racontent tous les auteurs, dont D. Defoe dans « La peste de Londres ».
Rien de cela n’a été constaté à Glasgow, et les centaines de rats piégés par les écossais n’étaient pas pesteux. Bon sang, mais c’est bien sûr, ce sont donc les hommes qui se sont contaminés entre eux, supposent nos chercheurs !
Citons les données écossaises d’époque :
- Les rats étaient nombreux dans les logements infectés ; « cependant rien n’indique que la mortalité chez les rats ait été anormale » disent nos statisticiens ;
- Les cas étaient principalement localisés dans les zones densément peuplées ;
- 62,5% des infections sont survenues en milieu familial ;
- Les rats vivants capturés n’étaient pas pesteux.
D’abord, lorsqu’il y a promiscuité hommes/ rats, il n’y a pas besoin que les rats meurent pour que leurs puces sautent sur les hommes.
Ceux qui permettent à leurs chiens ou chats de partager le canapé familial savent que des puces peuvent quitter le pelage douillet de Minette et Médor pour les espaces confinés des coutures ou des espaces entre les coussins, en attendant de sauter sur le premier humain qui viendra s’asseoir.
A combien plus forte raison les les puces pesteuses Xenopsylla cheopis qui, ne pouvant plus se nourrir (une trompe bloquée par la bactérie Yersinia pestis), multiplient les tentatives de repas ! Ce fait, qui est davantage qu’une hypothèse plus que fortement probable, est occultée nos chercheurs !
Voilà un premier socle de l’étude qui s’effondre. Du coup, écrire « nos résultats montrent qu’un un taux élevé de transmission secondaire au sein des ménages peut également survenir lors d’épidémies buboniques » est faux.
Comme nous l’avons déjà écrit dans un autre article, il n’y a aucun doute sur le fait qu’un individu pesteux soit vecteur de contamination pour son entourage familial, mais de là à dédouaner les rats et leurs puces au prétexte d’absence d’épizootie… C’est un pur artifice. Voilà qui nous rappelle l’étude d’un autre statisticien sur le nombre de rats à New-York !
Par ailleurs, les rats noirs sont beaucoup plus méfiants que les surmulots et leur capture est difficile. Félicitations aux écossais d’en avoir attrapé plusieurs centaines. Leur savoir-faire s’est malheureusement perdu (ce n’est pas l’équipe qui a réalisé l’étude du parc de Chanteraine qui dira le contraire, vu comme elle a galéré pour capturer 80 jeunes surmulots). Mais quel est l’intérêt d’avoir capturé ces rats ? S’ils étaient bien vivants, c’est qu’ils résistaient à la peste ou n’étaient pas infectés. Constater simplement qu’ils circulaient serait revenu au même. De l’art de se compliquer la vie et d’apporter de l’eau au moulin des matheux sponsorisés par l’Europe.
Décidément, la peste et les rats attirent les statisticiens. Il y avait déjà ceux qui spéculaient sur « l’examen de 7.711 épidémies de pestes documentées entre 1347 et 1353, qui correspondent à un printemps chaud et un été humide en Asie, 15 ans plus tôt », et celui qui dupa le monde entier avec son « 2 millions de rats (et pas 8) à New-York » (études qui ont fait l’objet d’articles précédents).
Entre les politiques parisiens et new-yorkais qui utilisent les rats pour communiquer, et les statisticiens en mal de financement d’études qui le choisissent comme sujet, les rats occupent l’espace médiatique. Je suis sûr que cela les indiffère.
Pierre Falgayrac