La lutte contre les nuisibles en Industrie Agroalimentaire (IAA)

OU
COMMENT LA DESINFORMATION INTOXIQUE L’IAA

Il ne s’agit pas d’intoxication alimentaire, mais cela a un rapport.

La lutte contre les nuisibles (rongeurs, insectes, oiseaux) en Industrie Agroalimentaire (IAA) est une exigence des normes internationales régissant les échanges commerciaux, dont la finalité est ce qui retrouve dans nos assiettes. Les plus connues de ces normes sont l’AIB, l’IFS, le BRC, l’IOP et l’ISO 22000.

Des auditeurs vérifient régulièrement si les IAA satisfont toujours la norme adoptée. La majorité des IAA sous-traitent les prestations de lutte contre les nuisibles à des entreprises de dératisation, désinsectisation et désinfection (3D).
Sur le terrain, ce sont les Responsables Qualité (RQ) qui supervisent/contrôlent la bonne conduite du contrat de lutte contre les rats, souris, blattes, mites, triboliums, demestres, oiseaux, etc.

Notre système économique faisant que les grands travaillent avec les gros, une poignée de ces entreprises de 3D se partage l’essentiel du juteux marché que représentent l’IAA et la grande distribution, sa principale partenaire.

Oui, mais voilà, très peu de RQ, et encore moins d’auditeurs, ne sont qualifiés ou suffisamment formés pour comprendre ce qu’il se passe réellement quand les applicateurs 3D interviennent dans leur entreprise, ou les tenants et aboutissants
d’un contrat de 3D. La plupart ne comprennent même rien aux « rapports de sanitation » remis par leur sous-traitant…

Témoignages de RQ ayant récemment assisté à une de mes formations:

    • « Je ne comprends rien au fiches que l’on me demande de signer, mais du moment que je les ai, je suis tranquille en cas d’audit » (IAA
      « farinière »
      );

    • « J’ai la nette impression qu’on se moque de moi puisque je vois régulièrement des souris sur le site, alors que les fiches de passage indiquent qu’il n’y en a pas » (IAA fruits et légumes);

    • « L’auditeur était très content de voir la dizaine de postes d’appâtage le long de ce mur. Il a immédiatement coché « bon » pour le plan de lutte contre les nuisibles, sans rien vérifier d’autre, alors que nous avions pourtant des souris en zone de production » (IAA laitière);

    • « Ça fait douze ans que nous avons des mites, mais comme nous avons un contrat, des DEIV et des fiches de suivi corrects, les auditeurs nous notent bien » (IAA produits déshydratés).

C’est assez choquant, d’autant que les normes évoquées plus haut contiennent une quinzaine d’articles, dont onze en commun, sur la lutte contre les nuisibles; articles qui, s’ils sont parfois imprécis, ou au contraire directifs, N’IMPOSENT RIEN en matière de techniques de lutte.

Leur analyse met en lumière que certaines pratiques ou usages dans le milieu sont aberrantes, incohérentes, voire peu honorables.

Je veux parler du discours tenu par de pourtant « honorables » fournisseurs et prestataires « 3D » dans leurs plaquettes, magazines professionnels ou réunions d’information, où l’on lit et entend que les « exigences de l’IAA et de ses normes internationale obligent à utiliser certains types de matériel et interdisent tout poison en zone de production ».

Ce discours bien rodé et relayé par la majorité du milieu professionnel est ainsi parfois adopté à l’excès par des IAA elles-mêmes. Je viens de lire un document interne de bonnes pratiques d’hygiène (BPH) d’un grand nom français de l’IAA
laitière, qui impose le « zéro toxique » en zone de production et d’emballage à toutes ses usines, s’appuyant sur une « collaboration avec le prestataire 3D. »

Et pourtant, jamais au grand jamais les normes AIB, IFS ou BRC-IOP n’exigent cela…

L’AIB dit: « Aucun appât toxique ou non-toxique n’est utilisé pour la surveillance
à l’intérieur des bâtiments »;

et l’IFS: « La contamination du matériel de production et des produits par les
appâts doit être
évitée ».

Le BRC, quant à lui, ne dit rien du tout à ce sujet.

Sans parler de l’ISO 22000 qui ne demande rien d’autre que « la maîtrise des
nuisibles 
», et de l’HACCP, qui est tout ce qu’on veut mais certainement pas une « norme », comme on le clame parfois à tort…

Le principal argument avancé est qu’il faut éliminer tout risque de contamination de la production, et qu’un rat ou une souris pourrait peut-être disséminer de l’anticoagulant là où il ne le faudrait pas…

Je fais le pari qu’une analyse micro biologique démontrera que même sans
disséminer du poison, le simple passage de rats ou souris (qui ne se lavent généralement pas les pattes) est vecteur de contamination.

J’irai même jusqu’à oser penser qu’une petite colonie de rongeurs, qui ne risque donc pas d’être empoisonnée, est bien plus dangereuse qu’une ratte qui fait les courses pour ses enfants restés au terrier. « Courses » empoisonnées qui tueront
toute la famille d’un seul coup, soit dit en passant…

Car c’est surtout dans cette situation que le risque de dissémination de « miettes » d’appât existe. Le reste du temps, le rat ne recrache pas ce qu’il a consommé sur le chemin du retour vers son terrier ou nid. Tout au plus peut-il laisser un peu de miettes ou reliefs de repas, comme nous, aux abords immédiats de son lieu de restauration.

Je passe vite sur les « appâts placebo », c’est à dire de la nourriture saine non empoisonnée, prônée par l’AIB et certains qui pratiquent (mal) la technique dite de l’appâtage préalable. Il s’agit d’habituer les rats à manger à un endroit, pour un jour les empoisonner (C’est une excellente méthode, plutôt difficile à maîtriser).

Que l’appât soit sain ou toxique, il s’agit toujours d’un « corps étranger » qui ne doit pas se mélanger à la production. La distinction toxique/non toxique est dés lors peu importante.

On voit donc fleurir chez les fournisseurs 3D des gammes de pièges mécaniques et nasses de piégeage, tous plus complexes et chers les uns que les autres. Les pauvres s’équipant avec des plaques de glu.

Le piégeage mécanique ou à la glu est une aberration. Si une colonie de rongeurs est en train d’infester les lieux, seule une minorité d’individus se fera piégée (le plus souvent des jeunes). Et le reste de la colonie évitera désormais tout ce qui ressemble et porte l’odeur de ce qui a provoqué les cris de douleur, puis la mort de compagnons. C’est un comportement des rats observé et connu
depuis longtemps.

Le piégeage mécanique se justifie seulement dans le cas de rats dits « explorateurs », souvent solitaires le temps de trouver un nouvel espace vital, ou de vieux rats proches de leur mort naturelle. Autrement dit, quand le risque est minime pour une IAA.

Dans le pur respect de l’esprit et la lettre des normes, j’affirme, preuves à l’appui, qu’il est possible de faire de la détection pertinente de présence de rongeurs, puis si besoin, des traitements courts avec appâts empoisonnés, avec un risque infime, voire nul, de contamination de la production.

Évidemment, cela ne se fait pas à coups de visites mensuelles… Tout en ne
demandant pas plus de temps et d’argent qu’un contrat standard, où quantités de visites sont inutiles.

Passons aux insecticides. Quand « on » interdit d’appliquer des insecticides, même filmogènes (les « laques »), alors qu’on autorise de repeindre certaines surfaces, réalise-t-on qu’il y a incohérence?

Quand on interdit de traiter des chemins de câbles en hauteur, alors que pour appliquer de l’insecticide filmogène il faudrait d’abord les dépoussiérer, réalise-t-on qu’on laisse perdurer une zone sale, où se reproduisent sans arrêt mites ou triboliums, bien plus vecteurs de dissémination de poussières et germes que si on faisait le nécessaire pour un traitement insecticide raisonné?

Que les grands responsables des IAA qui interdisent formellement tout toxique en zone de production m’expliquent comment on peut s’y prendre pour se débarrasser du tribolium, qui se reproduit sans cesse depuis cinq ans, sans utiliser un minimum d’insecticide ?

Bon, j’accorde des circonstance atténuantes à ces grands décisionnaires que je j’interpelle, car ils sont aussi victimes des « conseils » et « préconisations » de leurs sous-traitant. Les normes prévoient d’ailleurs ce rôle de conseil pour les entreprise extérieures. Or, je suis à jeun d’avoir constaté que les entreprises de 3D, ou leurs fournisseurs, aient fait une analyse critique et constructive des articles normatifs les concernant…

Je n’ai jamais lu, dans leurs plaquettes, publicités, communiqués et supports de conférence, de citations d’articles normatifs. Par contre, désinformations et approximations font flores.

J’ai aussi l’impression très nette d’une espèce de ronronnement et de routine
prospère avec des pratiques « tape à l’oeil » (150 postes d’appâtage, dont 148 ne servent à rien et ne sont jamais vraiment contrôlé et maintenus, DEIV capturant une dizaine de moucherons ou moustiques/ jour et quasiment jamais de mites, qui sont la cible principale, et qui ne sont pas attirées par UV des tubes…), des systèmes informatisés « qui font joli » (alors qu’il s’agit d’usines à gaz opaques pour les non initiés)…

Je pourrai encore citer bien des exemples démontrant que l’IAA et les entreprises de 3D n’ont pas noué un partenariat constructif (cinq ans avec toujours autant de triboliums, ce n’est pas normal!), mais mon propos est plutôt de dénoncer des rumeurs infondées persistantes et des campagnes de désinformation, qui intoxiquent littéralement l’IAA.

Pourquoi se montrer plus royaliste que le roi, quand on est IAA, en empêchant un service interne ou un sous-traitant d’utiliser de manière raisonnée et sûre, des appâts empoisonnés ou de l’insecticide?

J’affirme qu’il est possible de se débarrasser totalement du tribolium ou de la mite (je cite ces deux cas car il s’agit de missions récentes), en mettant en Å“uvre des mesures et techniques en tout point conformes aux normes, même la plus contraignante (l’AIB).

Or, il se trouve que ces mises en Å“uvre sont à l’heure actuelle impossibles, du fait d’une lecture incomplète et d’une très mauvaise interprétation des textes normatifs, par une autorité incompétente en matière de lutte contre les nuisibles.

Conclusion classique , je me répète: Et pendant ce temps-là, les souris dansent…

Pierre
Falgayrac

http://www.hyform.fr

6 réflexions sur “La lutte contre les nuisibles en Industrie Agroalimentaire (IAA)

  1. Réflexion très pertinente
    félicitation sur l’analyse des exigences réelles et théoriques que s’inventent certains auditeurs lors de leurs missions (ou certains audits mais l c’est leur pb d’analyse et des risques et de leurs compétences dans certains domaines )
    pour la partie technique que de bons constats issus d’une vraie compétence ( qui est assez rare dans ce domaine…)
    F PECQUERIE
    Dr VEtT et auditeur IFS BRC , ISO…

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  2. Bonjour
    Vous avez écrit:
    « J’aimerais avoir une connaissance dans la lutte contre les nuisibles en industrie agroalimentaire  »
    Nous sommes votre disposition pour tout renseignement.
    Merci de nous contacter directement sur notre adresse mail, ou par téléphone au 04 68 96 40 92.
    Cordialement
    Pierre Falgayrac
    http://www.hyform.com

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  3. Bonjour,
    Nous sommes une petite entreprise de 3D qui oeuvrons dans le domaine de l’IAA (principalement minoterie et boulangerie). Nous souhaitons nous engager dans une démarche « Bio » en employant des produits compatibles et en ayant une attestation de conformité de nos procédures. Cependant, nous avons des difficultés à trouver des produits réellement efficaces ce qui nous bloque pour mettre en place nos procédures.
    j’aimerais savoir si notre nouvelle orientation vous semble concrétisable et si vous connaissez des fournisseurs de produits compatibles avec le bio.
    je vous remercie par avance de votre attention

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  4. Bonjour
    « Bio » ne veut intrinsèquement rien dire quand on parle de lutte contres nuisibles.
    Par exemple, la nicotine et l’arsenic sont des produits on ne peut plus naturels, et ils peuvent s’avérer bien plus toxiques pour l’environnement que certaines substances chimiques développées spécifiquement pour lutter contre insectes et rongeurs nuisibles.
    Pour la désinsectisation, tout au plus peut faire œuvre de «marketing» envers certains clients sensibles à la chose, en mettant en avant le recours à des produits bio, tels qu’on peut en trouver dans certaines grandes surfaces dédiées au jardinage. Mais outre le fait qu’ils sont très chers, il sont peu efficace, n’ont aucune rémanence (j’en atteste pour en avoir essayé sur mon oliveraie), et ne sont tout de même pas inoffensifs pour l’environnement .
    Pour la dératisation, les solutions bio se résument au piégeage et à la glu. Techniques nulles en matière d’efficacité réelle ! On peut considérer que des rodenticides à action rapide (non anti-coagulant) sont des produits bio, puisqu’à base de strychnine, par exemple.
    Mais pour les rats, il ne convient pas de les utiliser, pour tout un ensemble de raisons que je ne peux exposer en quelques lignes.
    Donc, il vaut mieux se vendre en prônant la lutte raisonnée contre les nuisibles, qui revient à utiliser le moins de produits possible (et qui exige de passer un peu plus de temps chez les clients), et à garantir l’utilisation de produits bio « à chaque fois que ce sera possible ».
    Après, ce n’est qu’une question de dialectique pour faire « gober » à un RQ (et ses auditeurs) que votre démarche est « bio », pourvu que vous puissiez démonter qu’elle est a minima «développement durable».
    Veuillez noter que « la lutte contre les nuisibles en IAA » sera le thème de la conférence que je prononcerai le 18 novembre à 15h lors du salon PARASITEC à Paris.
    Cordialement,
    Pierre Falgayrac

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